comment l’annoncer aux enfants ?

Annoncer une maladie à ses enfants n’est pas une tâche facile mais pourtant nécessaire pour les accompagner au mieux dans cette période douloureuse pour toute la famille. Catherine Verdier, psychologue, et Charlotte Pascal, autrice du livre “Ma meilleure amie a un cancer du sein”, nous donnent des conseils pour passer au mieux, ce moment compliqué.

Chaque année, en France, plus de 50 000 cas de cancer du sein sont diagnostiqués. Ces tristes chiffres font de ce cancer le cancer le plus fréquent chez la femme, puisqu’il représente, selon l’Institut national du cancer 33 % des cas de cancers féminins.

Mais savoir qu’elles sont nombreuses à en être touchées, ou même que le taux de survie à 5 ans est de 88% (chiffre Santé publique France), n’empêche pas le grand bouleversement qu’une femme subit lors du diagnostic. C’est une annonce difficile à digérer et réussir à en parler à son entourage peut aussi être très compliqué. D’autant plus si l’on est mère. La perspective d’inquiéter ses enfants peut être insoutenable. Pourtant, les professionnel.le.s de santé s’accordent à dire qu’il est important de ne pas leur cacher cette maladie. C’est aussi le point de vue partagé par Catherine Verdier, psychologue et thérapeute pour enfants et adolescents et fondatrice de psyfamille. L’experte nous donne les clés pour appréhender au mieux l’étape de l’annonce aux enfants.

Absorber le choc

Si la spécialiste conseille d’en parler avec ses enfants, elle recommande avant toute chose de se laisser le temps d’absorber cette annonce. Et pourquoi pas, d’en discuter avec vos proches ou vos parents, avant. « Cela permettra de s’approprier les mots et d’évacuer les premiers moments émotionnels. L’enfant n’a peut-être pas besoin de tout porter, directement et de plein fouet », déclare-t-elle.
Par ailleurs, avant de mettre au courant vos enfants, il est préférable de connaître tout ce qui va être mis en place pour votre traitement. « En théorie, on préfère attendre d’avoir l’entièreté du diagnostic et puis le protocole qui va s’en suivre. Cela permet de rassurer les enfants et s’ils ont des questions, d’être en mesure de pouvoir répondre. Les enfants n’aiment pas trop être dans le flou. Ils vont avoir beaucoup de questions, comme par exemple : combien de temps ça va durer, est-ce que tu vas être très malade ? Il y aura beaucoup d’interrogations par rapport à la vie pratique et de l’inquiétude par rapport aux parents. Le cancer n’est plus synonyme de mort et les enfants ont besoin de savoir ce qu’il va pouvoir se passer pour eux et pour les parents », explique-t-elle.

Attendre d’avoir le protocole avant d’en parler, c’est aussi ce que Charlotte Pascal a décidé de faire, lorsqu’en 2019, on lui a diagnostiqué un cancer du sein. La mère de famille voulait être sûre d’être bien préparée avant d’en informer ses trois filles, dont la dernière n’avait que 15 mois. Dans son livre Ma meilleure amie a un cancer du sein (éditions Flammarion), elle raconte comment elle leur a annoncé la maladie. Un moment particulier, qui s’est déroulé un dimanche matin, dans son lit, et sur lequel elle a accepté de revenir pour aufeminin. « On leur a dit la vérité. Il ne faut pas minimiser la chose, qu’ils pensent que ce n’est qu’un rhume. De notre côté, on a vraiment voulu jouer sur la vérité et taper dur. Avec mon mari, on leur a dit : ‘Maman a une maladie grave, elle a vu des médecins, elle va aller à l’hôpital, elle aura des traitements.’ On a même été jusqu’à dire qu’on allait devoir me couper le sein. Après coup, on s’est rendu compte que ce n’était peut-être pas une bonne idée d’avoir utilisé le terme « couper », car ça a entraîné beaucoup de questions, notamment sur comment ils allaient procéder, ‘avec des ciseaux ou pas ?’. On aurait mieux fait de dire que j’allais avoir une mastectomie, qu’on allait me retirer le sein pour enlever les boules », se souvient-elle. Avant d’ajouter : « On n’a pas voulu rendre la chose formelle. On a fait ça dans notre lit, dans la pénombre, avec les rideaux encore tirés, pour que l’on ne voie pas mes larmes. C’était un cocon familial, où on pouvait se faire des bisous et des câlins. »

Utiliser les bons mots

Tout comme Catherine Verdier, l’autrice recommande d’utiliser les vrais mots pour parler de la maladie. « Un enfant comprend toujours plus que ce que l’on peut penser. Ne pas utiliser la bonne terminologie peut leur laisser penser que c’est encore plus grave que ça ne l’est réellement (même si ça l’est, déjà beaucoup). Ils vont directement penser à la mort. Nous avons opté pour un discours clair, pour qu’elles ne croient pas qu’on leur cache des choses. Ça les a rendues responsables, ça les a fait grandir. Les enfants sont beaucoup plus impliqués que les autres dans cette histoire. Leur parler de la même façon qu’à un adulte, ça les valorise », affirme-t-elle.

La psychologue ajoute que de cacher la vérité ou de la diminuer, peut créer un tabou. « Un enfant a besoin de comprendre les changements de routine, les changements physiques », selon elle.

« Est-ce que tu vas mourir ? »

L’une des tâches les plus dures reste de répondre aux questions des enfants. Et notamment, à l’inévitable inquiétude « Est-ce que tu vas mourir maman ? ». Pour l’experte, il faut surtout apaiser leurs craintes : « Les plus jeunes n’ont pas forcément la notion de mort, mais les enfants plus âgés, si. Il faut donc être apte à répondre. En ayant tout le protocole, on est capable de rassurer. Car l’une des premières choses à faire est bien sûr de rassurer. » La spécialiste ajoute qu’il est parfois nécessaire de les déculpabiliser également. Certains enfants, s’ils n’ont pas été sages ou ont eu de mauvaises notes à l’école par exemple, vont croire que c’est de leur faute. C’est un poids à enlever de leurs épaules.

Charlotte Pascal confie avoir préféré mentir à ses filles, car elle ne connaissait pas le dénouement du traitement et ne voulait pas les inquiéter. « J’ai dit que non, que je n’allais pas mourir, mais que les traitements allaient être très longs et que j’allais être très malade et très fatiguée. On leur a aussi dit que j’allais perdre mes cheveux et que j’allais être chauve. Le changement physique peut être compliqué à vivre pour les enfants, s’ils n’y sont pas préparés. Le paraître est aussi très important. Elles ne voulaient d’ailleurs pas que je vienne les chercher à l’école sans mes cheveux », raconte-t-elle. Catherine Verdier le confirme : « Cette transformation physique est traumatisante pour tout le monde. Le dire aux enfants en avance leur permet d’appréhender la chose. »

L’autrice leur a aussi expliqué qu’il ne fallait pas trop la déranger et qu’elle ne pourrait pas être présente tout le temps. « C’était un peu dur pour elles de le comprendre, car l’enfant est égoïste et il ne conçoit pas que l’on ne puisse pas s’occuper de lui. Mais j’ai préféré être honnête, ainsi que de bien leur expliquer que c’était le traitement qui me rendait malade, mais pas la maladie. Et que ça voulait dire que ça fonctionne », déclare-t-elle.

Vidéo par Sarah Polak

Faire attention aux enfants

À la maison, Charlotte Pascal et son mari ont mis en place toute une organisation pour que la routine ne change pas : « On a aussi décidé que les jours de chimiothérapie, les filles avaient le droit d’aller dormir chez des copines. Du coup, elles en étaient presque contentes. Ainsi, elles ne me voyaient pas complètement épuisée le soir, et ça me libérait de toute charge. On a également organisé des week-ends pour qu’elles soient un peu ailleurs, sans qu’elles se sentent exclues. »
La mère de famille confie avoir fait la démarche de contacter une pédopsychiatre, pour suivre ses filles. « Elle m’a dit qu’elles n’allaient pas toutes avoir besoin de voir quelqu’un en même temps, et c’est vrai. Elles ont réagi toutes les trois différemment. Par exemple, ma dernière se lève toujours la nuit pour voir si je ne suis pas morte, même si elle ne le dit pas. Et elle ne supporte pas de me voir avec un pansement. Alors que mon aînée ne comprend parfois pas pourquoi je ne peux pas rester plus longtemps avec elle », raconte-t-elle.
Pour Catherine Verdier, la réaction d’un enfant face au cancer est en effet très variable. « Cela dépend de plusieurs facteurs : de la personnalité de l’enfant, de sa demande (on ne va pas le forcer s’il n’a pas du tout envie), de ses symptômes, de leur intensité et de leur durée dans le temps. Ainsi que de la façon dont l’adulte a réussi à dire les choses ou pas », explique-t-elle. Elle conseille aussi de faire très attention aux adolescents, car ils seront soit dans le déni, soit dans le rôle de l’assistant médical et psychologique : « Il faut bien signifier à l’ado que la priorité c’est l’école, le collège, etc. Et on le tient informé, comme un adulte. »
Pour les enfants, n’hésitez pas non plus à prévenir l’école. Son ou sa maître.sse pourra notamment vous alerter s’il change de comportement, devient agressif ou pleure souvent par exemple. Cela vous aidera à vous rendre compte s’il a besoin de voir un pédopsychiatre ou non.

Par ailleurs, vous pouvez vous aider de livres et autres supports pour bien leur expliquer ce que vous traversez. Ne restez pas seule et veillez à demander de l’aide à vos proches et à votre conjoint.e.

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